Fête du 14 juillet : un retour aux privilèges ?

Publié le par FrançaisduMonde.adfe.conesud

    On le sait, la décision des autorités françaises de ne pas ouvrir les portes de l’ambassade à toute la communauté française à l’occasion des festivités du 14 juillet a provoqué force émois et réactions de la part de nombreuses personnes ; réactions que nous avons pu lire dans la presse francophone locale. Une fois les colères apaisées, il nous semble nécessaire de réfléchir sur la portée symbolique de cette décision laquelle, de notre point de vue, dépasse de loin la raison officielle qui a été avancée.

 

   En effet, l’argumentation est des plus simples : « Les caisses sont vides. », c’est M.Sarkozy qui l’a dit; alors il faut se serrer la ceinture.

   Parmi les choix d’économie, la traditionnelle réception à l’ambassade pour le 14 juillet en a donc fait… les frais si bien qu’un quota correspondant à un nombre de personnes précis a été décidé par les services de l’ambassade. La « sélection » de ce contingent s’est effectuée à partir de personnes considérées comme « représentatives » de notre communauté.

   Voilà pour les faits.

 

   Cette décision est-elle justifiable ? A notre avis non et ce pour plusieurs raisons.

  Le 14 juillet est l’occasion de réunir tous les Français autour d’un évènement qui nous appartient à tous. Hautement symbolique, ce moment solennel représente l’union d’un peuple avec son pays ; cette date forge notre identité en tant que nation.

   En France, il y a le traditionnel défilé du 14 juillet, sans oublier la fête avec les bals et les feux d’artifice. A l’étranger, la coutume veut qu’à l’occasion du 14 juillet l’ambassade ouvre ses portes. Pendant une heure ou deux, on vient boire un peu de champagne, manger des petits fours, écouter des airs du pays joués par un orchestre-fanfare au style un peu désuet, saluer les représentants officiels de notre pays en Argentine, voir des têtes connues, retrouver, et c’est peut-être l’élément finalement le plus important, de vieilles connaissances ; c’est l’occasion de se voir un peu, d’échanger des nouvelles. Bref, de sentir, pendant ce laps de temps, notre pays sous un air de fête. Tout cela dans une ambiance bon enfant. Nous ne saurions dire combien ce moment est important pour beaucoup d’entre nous. Nous pensons tout particulièrement à toutes celles et tous ceux qui ne sont plus revenus au pays depuis longtemps. Ainsi, et ce quelles que soient les raisons évoquées, la décision de limiter l’entrée à l’ambassade prive beaucoup de Français d’un moment festif affectivement important. Voilà pour la première erreur.

   Ensuite, l’Etat faillit à sa mission de gardien de la mémoire, de ce qui structure notre nation. Lorsque M.Kouchner dit que « Le 14 juillet est un moment privilégié. », ou que le même M.Sarkozy qui considérait en 2007 que « le 14 juillet, ce doit être une fête souvenir mais aussi une fête populaire », on voit bien que ces belles et fortes paroles ne sont guère suivies d’effet et qu’il serait préférable de ne pas dire ce genre de choses quand on n’est pas capable de les tenir. D’autant qu’au même moment, on incite les associations françaises à organiser le plus possible d’événements permettant justement de créer des liens entre les membres de notre communauté. Les autorités françaises ne sont plus à une contradiction près.

   Mais, non seulement notre administration se ferme à certains, en plus elle sélectionne. Ce quota, élaboré à partir de ceux qui jouent un rôle dans la communauté française, ceux qui sont actifs, les forces vives, met de côté les autres qui, après une vie bien remplie, faite de travail et de labeur, s’entendent dire qu’ils ne servent plus à rien parce qu’ils sont trop vieux. C’est ce qu’on appelle le don de la reconnaissance dû aux efforts faits pour son pays. On peut imaginer ce qu’ils ont dû ressentir au fond d’eux-mêmes.

 

   On ne peut critiquer objectivement ce désir de dépenser au mieux les deniers de l’Etat. Mais le choix ici est-il le bon ? Peut-être que les festivités du 14 juillet auraient pu être traitées différemment : on aurait pu dire c’est une fête de tous les Français, donc on ne touche pas à ce rendez-vous hautement symbolique et rassembleur mais cela ne nous empêche pas de faire tout de même quelques tailles budgétaires quant à l’organisation de cet évènement ; ou alors puisqu’il faut serrer le budget, on ne fait pas de fête du tout ! C’est pour tout le monde ou pour personne, ainsi, on ne reste pas dans cette sensation d’entre-deux où on fait quand même la réception mais avec « les meilleurs ». Ou alors tout simplement, on décide de faire des économies ailleurs.

 

   Car en effet, et c’est peut-être là ou cela fait le plus mal, cette décision vient au moment ou nous avons l’étrange sensation que nos instances dirigeantes se désintéressent d’une certaine partie de sa population ou, tout du moins, ne prêtent pas la même attention à tous.

   On peut mettre facilement en parallèle les 13 et 14 juillet qui viennent de se dérouler à Paris où se retrouvèrent une multitude de chefs d’Etat pour célébrer l’Union pour la Méditerranée. Il est fort probable qu’à cette occasion on n’a pas trop dû penser à rogner sur les dépenses. Et puis que dire des 172% que le chef de l’Etat s’est généreusement octroyés comme augmentation de traitement ? Quand on parle d’économies, cette appréciation salariale n’apparaît-elle pas purement et simplement scandaleuse ? On peut en effet trouver d’autres décisions qui montrent un même désir de sélectionner. Ainsi, la traditionnelle « garden-party » de l’Elysée n’est-elle plus ouverte qu’aux seuls « Français méritants » ce qui a permis de réduire le nombre d’invités et de mettre à l’écart certaines personnes représentatives de notre société. On pourrait d’ailleurs se demander à quel titre quelqu’un est ou non méritant. Il suffit de lire les journaux pour trouver d’autres exemples. Toutefois, nous retiendrons cette phrase toute récente de l’écrivain et cinéaste Gérard Mordillat, qui à propos d’une autre décision gouvernementale très controversée, disait : « On fait passer l’unité nationale derrière l’intérêt de certains », pour le paraphraser, on pourrait dire que, pour le 14 juillet, on fait passer l’unité nationale derrière des intérêts purement économiques.

 

   C’est la raison pour laquelle la section Français du monde-ADFE de Buenos Aires considère cette mesure comme profondément injuste et demande solennellement aux autorités françaises de ne pas appliquer cette malheureuse décision l’année prochaine en 2009.

 

Section “Français du monde-ADFE de Buenos Aires”

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